Préférence système

Publié le 18 Juin 2021

Nous nous sommes construits par les histoires et nous serons effacés par les données...

Préférence système

Dans Préférence système, le dessinateur Ugo Bienvenu s'interroge sur la mémoire de l'humanité, désormais dépendante de la capacité des serveurs informatiques. En 2120, le volume de données informatiques est devenu si conséquent qu'on commence, pour continuer à publier et à conserver de nouveaux fichiers, à effacer des données. Toute archive frappée d'un visa d'élimination par le corps des "Prophètes", chargé d'opérer les choix cruciaux, doit être supprimée. Yves, archiviste du Bureau des Essentiels, ne peut s'y résoudre. Pour les sauver de l'oubli, il sauvegarde clandestinement certaines données, plus poétiques que politiques, (comme le film 2001 : L'Odyssée de l'espace de Stanley Kubrick par exemple) et les rapporte chez lui pour les stocker dans la mémoire de Mikki, son robot domestique. Une infraction grave à l'éthique de sa profession. Les progrès de l'intelligence artificielle ayant par ailleurs permis de confier la charge de la gestation pour autrui (GPA) aux machines, Mikki, androïde hermaphrodite, porte l'enfant d'Yves et Julia, son épouse. Cependant, au Bureau des Essentiels, des fuites ont été décelées et une vaste enquête est lancée parmi le personnel.

 

Cette dystopie relativement facile d’accès m'a convaincu. Elle propose une réflexion sur le stockage de données, la mémoire, le révisionnisme culturel et la transmission tout à fait pertinente. Bourrée de références culturelles (de Tintin d'Hergé à La petite sirène d'Andersen en passant par Sensation de Rimbaud), elle tend à défendre la production culturelle, bien sûr, mais aussi l'importance d'adopter un mode de vie plus lent et contemplatif. À ce titre, le dialogue entre Yves et Mikki sur la différence entre l'être humain (capable de s'émouvoir) et le robot (intelligence artificielle logique) est à souligner. Cette anticipation ne peut qu'alimenter notre réflexion sur nos usages actuels pour préserver les générations futures. La fin ouverte aurait peut-être gagnée à moins l'être mais le scénario global est bien ficelé et les illustrations un peu "vintage" inspirées du pop art bien abouties. Dans la lignée de Fahrenheit 451 de Ray Bradbury, le roman graphique d'Ugo Bienvenu porte des valeurs d'humanisme, de transmission, de sauvegarde d'un patrimoine immatériel commun. Une lecture très agréable à mettre sans hésiter entre les mains des lycéens.

 

Rédigé par Nota Bene

Publié dans #Je lis aussi des BD

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Y
Bonjour. Cette BD conviendrait-elle au collège aussi? Notamment en 3e en français pour le thème "Progrès et rêves scientifiques?". Est-elle tout public? Merci, bonne journée.
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N
Bonjour Yorick ! Il me semble qu’elle peut tout à fait convenir à des élèves de 3e. Peut-être juste une ou deux planches plus complexes au niveau du texte (sur le révisionnisme culturel et le politiquement correct qui nuit à l’esprit collectif) à décrypter avec les élèves.