Maus

Publié le 28 Mai 2014

Couverture Maus : L'Intégrale

 

Mon avis :

 

Monument du neuvième art, Maus est une bande dessinée en deux volumes publiée en France chez Flammarion en 1987 (pour le tome 1 Mon père saigne l’histoire) et en 1992 (pour le tome 2 Et c’est là que mes ennuis ont commencé). Ces deux volumes ont ensuite été réunis dans une intégrale en 1998. Art Spiegelman est un illustrateur et auteur de bande dessinée né en 1948. Figure de la bande dessinée underground américaine des années 1970-1980, il est surtout connu par la suite pour Maus, écrite à partir de l’histoire vraie de ses parents polonais juifs rescapés des camps. La bande dessinée raconte, à travers le dialogue de l’auteur et de son père, l’histoire de celui-ci, survivant des ghettos polonais et du camp d’Auschwitz. L’œuvre associe deux récits : le père de Spiegelman racontant sa vie peu avant la guerre puis pendant la déportation, et le récit des relations entre l’auteur et son père. Maus constitue donc une réflexion sur la difficulté de transmettre et sur la mémoire. Sa particularité notable est que les nationalités sont représentées par différentes espèces d’animaux : les juifs sont représentés par des souris ("maus" signifie "souris" en allemand), les allemands par des chats, les polonais par des cochons… Traduite en 18 langues, Maus a reçu le Prix Pulitzer spécial en 1992, ce qui n’est jamais arrivé à une bande dessinée.

 

Voyant l’épreuve orale d’histoire de l’art se profiler, je me suis attelée à la lecture de cette référence littéraire présente dans la liste des objets d’études des 3e. Parfois dérangée par le traitement graphique choisi par Art Spiegelman, j’ai tout de même été happée par cette bande dessinée.

 

En premier lieu, j’ai été sceptique vis-à-vis de l’utilisation de l’anthropomorphisme. Non pas que j’y sois totalement hermétique (j’ai apprécié lire Blacksad par exemple) mais représenter les "peuples" par des animaux m’a semblé manichéen et presque dangereux, confortant la notion de "races" soutenue par les nazis. En outre, les personnages ainsi représentés et le trait hachuré ou griffonné de l’auteur ne permettaient qu’une difficile différenciation des individus. Le dessin en noir et blanc est en effet chargé et les vignettes souvent encombrées de texte.

 

Pourtant, au fur et à mesure de ma lecture puis en lisant quelques critiques sur le net, j’ai pris conscience de la signification cachée derrière ces choix graphiques. De manière évidente d’abord, on note la métaphore du chat et de la souris qui met en exergue le rapport de force qui existait entre le peuple allemand et les juifs. Les nazis eux-mêmes ont d'ailleurs utilisés l'analogie dans leur propagande. En ce qui concerne le style, on peut considérer que c’est une volonté assumée de ne pas rendre le récit "agréable" et de justement traduire le mécanisme du racisme qui tend à effacer les individus et à les englober sous l’étiquette "juifs" ou "roms".  En outre, les représentations animales permettent de distancier les événements et de rendre la narration moins pénible. C'est en réalité un récit nuancé qui nous est donné à lire puisque l'auteur nous dévoile aussi les aspérités de son père Vladek : il apparaît radin, roublard, raciste, donneur de leçon, geignard.

 

Au-delà du véritable témoignage historique que constitue Maus (et dont Art Spiegelman aura eu le soucis de l'exactitude des faits), c'est le travail réflexif de l'auteur sur la relation à son père qui touche le lecteur. Toujours affecté par le suicide de sa mère et ayant du mal à gérer son statut de "fils de survivant", l'auteur nous questionne en même temps que lui sur les notions de culpabilité et de transmission. Maus est donc une référence à connaître : un original et précieux témoignage sur la Shoah.

 

 

Spiegelman, Art.

Maus (l'intégrale)

Ed. Flammarion

1998/292 p.

 

Rédigé par Nota Bene

Publié dans #Je lis aussi des BD

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