Les impatientes
Publié le 16 Mars 2021
Après ma lecture mitigée du Prix Goncourt 2020, j'ai lu le dernier Prix Goncourt des lycéens. Pour en rendre compte de façon succincte, je me suis dit que j'allais à nouveau utiliser le format de la liste essayé l'année dernière. En ouvrant ce livre, vous découvrirez :
- 𝑇𝑟𝑜𝑖𝑠 𝑑𝑒𝑠𝑡𝑖𝑛𝑠 𝑑𝑒 𝑓𝑒𝑚𝑚𝑒𝑠 qui se croisent et se font écho. Trois femmes camerounaises qui entendent dès leur naissance qu’il faut qu’elles soient patientes pour remplir comme il se doit le rôle d’épouse qui leur est réservé : Ramla, une adolescente belle et éduquée qui aurait rêvé devenir pharmacienne et épouser l’homme qu’elle aime ; sa demi-sœur Hindou, mariée à son cousin alcoolique et violent ; et Safira, la première épouse du quinquagénaire auquel Ramla est destinée.
- 𝑈𝑛𝑒 𝑐𝑜𝑛𝑠𝑡𝑟𝑢𝑐𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑒𝑛 𝑡𝑟𝑜𝑖𝑠 𝑝𝑎𝑟𝑡𝑖𝑒𝑠 qui donne une vue d'ensemble de la vie promise à ces femmes : une première partie centrée sur Ramla et les préparatifs de son mariage, une deuxième partie sur sa cousine Hindou qui raconte son calvaire une fois mariée, et enfin celle centrée sur Safira, la première épouse, obsédée par l'idée de se débarrasser de Ramla, sa nouvelle coépouse.
- 𝐷𝑒𝑠 𝑓𝑎𝑖𝑡𝑠 𝑑𝑒 𝑓𝑖𝑐𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑞𝑢𝑖 𝑑𝑖𝑠𝑒𝑛𝑡 𝑙𝑎 𝑟𝑒́𝑎𝑙𝑖𝑡𝑒́ 𝑑𝑒 𝑣𝑖𝑜𝑙𝑒𝑛𝑐𝑒𝑠 𝑡𝑜𝑢𝑗𝑜𝑢𝑟𝑠 𝑑'𝑎𝑐𝑡𝑢𝑎𝑙𝑖𝑡𝑒́ au Sahel : mariage forcé, polygamie subie, viols, coups, humiliations, etc. Les hommes considèrent les femmes comme des marchandises. Les femmes elle-même perpétuent un esclavagisme désolant en imposant aux générations suivantes le silence, la "patience" et la dignité, trop conscientes du prix à payer à manquer de docilité. Là où la sororité pourrait se révéler un réconfort et une arme, elle se voile de rivalité.
- 𝐷𝑒𝑠 𝑟𝑒́𝑓𝑙𝑒𝑥𝑖𝑜𝑛𝑠 𝑒𝑛𝑔𝑎𝑔𝑒́𝑒𝑠 𝑠𝑢𝑟 𝑑𝑒𝑠 𝑠𝑢𝑗𝑒𝑡𝑠 𝑓𝑒́𝑚𝑖𝑛𝑖𝑠𝑡𝑒𝑠. Reflet de la propre expérience de l'auteur, le texte décrit l'effroyable sort réservé aux femmes dans cette partie de l'Afrique. L'organisation sociale et familiale à l’œuvre semble sans échappatoire : tout plutôt que le déshonneur, l'exclusion et la misère. Ce livre provoque sidération et compassion et appelle à la vigilance : beaucoup de droits restent à conquérir pour les femmes, surtout dans cette région du monde.
- 𝑈𝑛𝑒 𝑝𝑟𝑜𝑠𝑒 𝑎𝑐𝑐𝑒𝑠𝑠𝑖𝑏𝑙𝑒 et percutante de par son aspect réaliste, sans pudeur, mais qui ne passe malheureusement pas à côté de certains impaires. À titre d'exemple, cette répétition : "Méprisant son tourment, mon père n'avait pas arrêté de la tourmenter [...]". Ce n'est donc pas bouleversant stylistiquement parlant.
Rien de mémorable pour moi mais un bon livre à mettre entre les mains des lycéens pour une prise de conscience féministe et pour découvrir les fonctionnements insidieux du mariage forcé et de la polygamie.
Ô ma mère ! Que c'est dur d'être une fille, de toujours donner le bon exemple, de toujours obéir, de toujours se maîtriser, de toujours patienter !
Ô ma mère, je t'aime tellement mais je t'en veux aujourd'hui.
Ô ma mère, ressaisis-toi ! Regarde-moi. Ai-je l'air heureuse comme le doit être toute mariée ?
Et toi, mère, es-tu heureuse comme la mère d'une mariée ? Pourquoi ces larmes que tu essuies parfois ? Pourquoi ce maquillage outrageux aujourd'hui, toi qui ne te maquilles jamais ? Pourquoi ces yeux rouges derrières le knôl noir ?