Peau d'Homme
Publié le 8 Février 2021
Voici une bande dessinée primée au dernier Festival d’Angoulême. Elle a reçu le Fauve des lycéens. Ce qui, l'ayant commandé pour le lycée quelques semaines auparavant, a confirmé le professionnalisme dont je fais preuve. Je blague... J'ai surtout été bien conseillée par quelques collègues, lecteurs avisés de BD. L'objet ne passe en tout cas pas inaperçu : le livre est très beau. Il s'agit d'un grand format à la couverture noire et aux reflets bleus métallisés. Son titre et son illustration de couverture ne laissent pas indifférent. À l'intérieur, beaucoup de dialogues savamment découpés et mis en scène dans des décors inspirés du théâtre. Les dessins à la ligne claire allègent joliment le propos. J'ai aimé tout en étant un peu bousculée. En effet, sous couvert d'une intrigue se déroulant dans l'Italie de la Renaissance, sont abordés des sujets modernes interrogeant les contours de la morale contemporaine.
Bianca, demoiselle de bonne famille, est en âge de se marier. Ses parents lui trouvent un fiancé à leur goût : Giovanni, un jeune et riche marchand. Bianca ne peut cacher sa contrariété de devoir épouser un homme dont elle ignore tout. Mais c’était sans connaître le secret détenu et légué par les femmes de sa famille depuis des générations : une "peau d’homme". En la revêtant, Bianca devient Lorenzo et bénéficie de tous les attributs d’un beau jeune homme. Elle peut désormais côtoyer incognito les hommes et apprendre à connaître son fiancé "au naturel". Mais dans sa peau d’homme, Bianca s'affranchit des limites imposées aux femmes et découvre l'amour et la sexualité.
À travers cette fable subversive, à la fois drôle et cruelle, les auteurs mettent en scène un véritable fantasme et questionnent notre rapport à la sexualité et aux injonctions morales et religieuses. Il y est question d'homosexualité et plus largement des relations de couple, du mariage, de la condition féminine, des carcans - notamment genrés - de la société et de la recherche du bonheur. En cela, Peau d’homme invite à une certaine libération des mœurs, et c'est justement peut-être ce dernier point qui m'interroge. Hubert, le scénariste de cette bande dessinée, a mis fin à ses jours en février 2020. Il laisse derrière lui une magnifique BD, maintes fois primée, et un appel à la curiosité et à la tolérance.